Anita Conti
Née à Ermont le 17 mai 1899 et décédée à Douarnenez (29) le 25 décembre 1997
"Je ne suis, disait-elle, qu'une créature solide à travers le vent."
Anita Conti, aventurière des mers, océanologue et écologiste avant l'heure, est morte par une nuit de tempête, le soir de Noël 1997, à l'âge de 98 ans, à son domicile de Douarnenez (Finistère).
Anita Conti, née Caracotchian, fut une aventurière, une exploratrice insatiable, mais aussi une femme du monde qui croisa des célébrités du siècle, de Pierre et Marie Curie, Blaise Cendrars et Théodore Monod au docteur Schweitzer et à Léopold Sédar Senghor. Fortunés, ses parents lui avaient donné le goût des voyages, mais aussi celui de l'eau : "J'ai su nager avant de savoir marcher", se plaisait-elle à rappeler. Elle passera donc la plus grande partie de sa vie sur l'eau, où, plusieurs décennies avant le commandant Jacques-Yves Cousteau, elle sut défendre le milieu marin et contribuer à lancer l'océanographie, alors balbutiante.
Relieuse d'art, dont le talent -qui fascinait Mac Orlan- est reconnu à Paris, Londres et New-York, elle se marie en 1927 avec un attaché d'ambassade ; mais l'appel de la mer est le plus fort. Elle parcourt les mers, publie des reportages sur les piètres conditions sanitaires des parcs à huîtres, des réflexions sur la surexploitation des océans.
"Nous sommes les gérants, fugacement passagers, de terres, d'airs et d'eaux qui devront nourrir les foules de l'avenir. En conséquence, il faut léguer un domaine correctement entretenu", disait-elle à l'époque. En 1935, elle est engagée à l'Office scientifique et technique des pêches maritimes (ancêtre de l'Ifremer), et participe au lancement du premier navire océanographique, le Président-Théodore-Tissier.
Cette reconnaissance officielle est, pour elle, la possibilité de mener sans entraves la vie dont elle a toujours rêvé. "Dès que je mets le pied à bord, je voltige. La vie est là", disait-elle. Elle "voltigera" donc inlassablement, de l'Islande à Terre-Neuve, de l'Ecosse au Spitzberg. En 1939, elle embarque sur les dragueurs de mines en Manche et en mer du Nord. Pendant cinq mois, elle met sa connaissance des courants au service des hommes qui, à bord de chalutiers de bois réquisitionnés pour la circonstance, sont chargés de désamorcer les mines magnétiques mouillées par les Allemands.
Elle passe ensuite en Afrique, chalute les mers chaudes avec les pêcheurs résistants pour ravitailler les armées alliées. Chargée par le gouvernement d'Alger, en 1943, d'étudier les techniques de pêche traditionnelles du littoral ouest-africain, elle prospectera ensuite les côtes du continent noir pendant plus de dix ans. Parallèlement, elle crée, en 1946, une pêcherie de requins en Guinée, à Conakry, s'inspire du savoir-faire nordique pour améliorer les techniques locales de fumage du poisson.
Son travail n'étant pas reconnu par les autorités locales, elle doit rentrer en Europe.
En 1952, elle embarque sur le chalutier-saleur Bois-Rosé pour partager, à 53 ans, la dure vie des pêcheurs de Terre-Neuve, filme et photographie les campagnes morutières dans le Grand Nord. Elle en tirera un best-seller : Racleurs d'océan , qui sera suivi d'autres ouvrages : Géants des mers chaudes (1957), L'Océan, les Bêtes et l'Homme (1971). Des récits réalistes et pédagogiques, mais aussi poétiques et lyriques, à la gloire de ces hommes "debout dans la mer".
A l'âge de 60 ans , toujours aussi passionnée, elle menait encore des expériences d'aquaculture en Italie. Elle naviguera jusqu'au bout de ses forces, à 70 ans passés. Fatiguée, atteinte d'une attaque cérébrale qui l'avait privée de la parole, Anita Conti s'était installée à Douarnenez.
Avec l'association regroupant les amis de l'exploratrice, la municipalité du port breton entendait mettre en valeur ces fabuleuses archives : 60 000 photographies, une dizaine de films, des carnets de bord, de la correspondance, etc.
À ceux qui lui demandaient si elle était un garçon manqué, la Dame de la mer répondait « Non, je suis une femme réussie ».
L'empressement de ses admirateurs amusait la vieille dame. Restée aventurière dans l'âme, elle préférait le présent au passé, amoureuse de la vie en marche, même sur le point de mourir. Vivre, disait-elle, "c'est très surprenant. Tout passe, rien ne reste, et c'est ravissant"...
Anita Conti s’éteint à Douarnenez, le jour de Noël, alors âgée de 98 ans.
Avant-gardistes, ses relevés, ses photographies et ses observations servent encore aux chercheurs du monde marin.